Notre public est éclectique

Récemment nommé à la direction du festival d’Ambronay, Daniel Bizeray évoque son attachement à « un lieu de convivialité croisée ».

Quels sont les défis quand on arrive sur un si gros festival ?

Outre l’importante activité directement liée au festival, n’oublions pas le gros travail de maillage territorial effectué tout au long de l’année, avec des concerts mensuels (les Impromptus) - qui sont le plus souvent le fruit de résidences de jeunes ensembles - ainsi que des missions pédagogiques développées avec certains artistes. Ce travail de terrain est très important et fait d’Ambronay un lieu de convivialité croisée, qui déborde largement du cadre du festival.
Le public d’Ambronay est au demeurant beaucoup plus éclectique qu’on ne le pense. L’identité du festival est associée dans toutes les têtes à la musique baroque et, de fait, cette musique sonne très bien dans l’acoustique de l’abbatiale. Mais il accueille aussi un chapiteau, scène ouverte aux rencontres insolites qui permet d’ouvrir sur le jazz, les musiques du monde et le jeune public, avec un autre type de public, dans un rapport plus direct et plus familial. Notre label Ambronay éditions se fera prochainement l’écho de cette approche moins conventionnelle, avec un disque voix et bandonéon consacré au répertoire de tango.

Outre ce terrain local, Ambronay est un véritable ambassadeur européen…

Ambronay est en effet un des fondateurs du REMA (Réseau européen de musique ancienne), et en reste maintenant un membre fondamental. Quand Alain Brunet (NDLR ancien directeur) a envisagé de le créer, il m’avait invité en tant que modérateur à une réunion préliminaire d’acteurs européens de ce domaine - j’étais alors directeur de l’opéra de Rennes. Ce réseau regroupe de nombreux pays, de l’Irlande au Portugal en passant par la Roumanie, l’Estonie, la Suède… Il vise à promouvoir la musique ancienne et faciliter sa diffusion grâce à l’organisation de showcases et conférences, la publication d’études, à travers une application pour smartphone, etc.

En outre, Ambronay s’inscrit dans Creative Europe avec un programme - intitulé eeemerging - destiné à faciliter le repérage de nouveaux talents collectifs en musique ancienne ; il entend aider à leur formation, structuration, communication et diffusion. Quel que soit le secteur d’activité (formation, production, séminaires…), nous travaillons par cercles concentriques en partant du territoire : ambron (NDLR : d’Ambronay), de la Communauté de communes de la Plaine de l’Ain ou du département de l’Ain, pour élargir notre réflexion et notre impact au niveau de la Région, puis de l’État, et enfin de l’Europe.

Et hors de votre quotidien professionnel, qu’écoutez-vous ?

Je ne suis pas du tout « blasé » de musique baroque, j’en écoute donc souvent et volontiers - et sans œillères interprétatives. J’ai été par exemple récemment surpris par la qualité de l’interprétation d’Abbado dans les Concertos brandebourgeois de Bach, diffusés à la radio le jour de son décès.
Je n’ai sinon pas de grand tropisme pour le symphonique : je ne suis ni brucknerien, ni wagnérien, mais cela dépend néanmoins des partis pris esthétiques. Je suis sensible à l’esthétique de Philippe Herreweghe dans Bruckner par exemple ; il est vrai que l’Orchestre des Champs Elysées recourt aux instruments d’époque, et que les rapports entre les pupitres en ressortent transformés dans leur couleur, et finement équilibrés.
Enfin, dans un autre registre, j’ai toujours eu un faible pour les belles voix noires du jazz ; par ailleurs j’ai eu un véritable coup de cœur pour le guitariste Kevin Seddiki et le percussionniste Keyvan Chemirani, découverts lors de mes fonctions précédentes à la Fondation Royaumont.

Lors de votre parcours à la tête de différents opéras, quelles productions vous ont marqué ?

J’ai pris beaucoup de plaisir à monter Madame Butterfly, dans la mise en scène d’Alain Garichot - qui a tourné à Rennes, Rouen, et Saint-Étienne. Le Fantasio d’Offenbach, dans une mise en scène de Vincent Vittoz, a été également une aventure marquante : la partition allemande se trouvait à Baden-Baden, et le texte original français a été retrouvé grâce au musicologue Robert Pourvoyeur, à la bibliothèque de l’Arsenal à Paris. C’est un répertoire un peu éloigné du baroque, mais j’ai eu aussi le bonheur d’accueillir à Rennes et à Saint-Étienne des productions lyriques d’Ambronay ; c’est donc déjà une amitié de très longue date qui m’unit à notre cher Centre culturel de rencontre !

Une dernière question pour finir : quelle chanson a bercé votre enfance ?

Comme tous les enfants, j'ai entendu beaucoup de chansons enfantines, d'autant que ma mère dirigeait une école maternelle. J'aimais aussi beaucoup les musiques d'accompagnement, en particulier celle d'un livre-disque qui racontait l'histoire de la princesse qui laisse tomber sa balle d'or dans une fontaine, et qu'un crapaud lui rapporte sous condition d'un baiser. La princesse s'en dispense, mais raconte son aventure au Roi son père, qui lui enjoint de respecter sa parole – « Si tu as promis tu dois le faire » – d'une grosse voix sonore. Cela m'a servi de guide dans la vie. J'aimais aussi entendre chez mes grands-parents le 33 tours de l'opérette Violettes impériales, dont je connaissais toutes les paroles...

— Hannelore Guittet

Crédit photo : ©Bertrand PICHENE - CCR_AMBRONAY

Le 23 Mai 2014 par Hannelore Guittet

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