Mélodies pour nuits blanches
Sur un texte de Pascal Quignard, Daniel D’Adamo explore les facettes douloureuses du phénomène sonore.
Le 12 décembre dernier se tenait la version de concert du monodrame pour comédien - ensemble instrumental et électronique La Haine de la musique -, du compositeur argentin Daniel D'Adamo sur un essai de Pascal Quignard. Cette œuvre était servie par l'ensemble TM+ dirigé par Laurent Cuniot et le comédien Lionel Monier, dans une mise en scène de Christian Gangneron.
« Minuscule terreur »
L' essai de Pascal Quignard - divisé en dix traités et conviant tour à tour mythologie, histoire et religion - constitue à lui seul une somme de variations, de méditations autour du phénomène sonore et de ce qu'il entraîne avec lui de terreur, de douleur. « Chaque son est une minuscule terreur. » De scènes en aphorismes, de fictions en réflexions, Quignard vogue et nous enseigne comment l'instrument du son est en réalité instrument de mort, dans sa forme originelle comme dans sa conceptualisation. « Tout est couvert du sang lié au son. » Terreur et musique. Souffrance et musique.
Raconter l’inouï
Daniel D'Adamo a sélectionné des extraits et s'est inspiré du rythme lié au texte d'un écrivain lui-même musicien. Il dialogue avec ce texte, cette trame qui déploie la même thématique à l'infini, dicté par un comédien chamane, ensorcelant son auditoire par ces récits qui racontent paradoxalement l'inouï : les sons que l'on ne veut pas ou que l'on a peur d'entendre.
La musique sensuelle et picturale tisse sa toile, dialogue, se fait miroir, écho, et dépeint avec une précision remarquable les scènes et les états d'âme.
Et la mise en scène (même s'il s'agissait ici de la version de concert) nous montre ce comédien qui regarde le son - entre rejet et fascination -, qui absorbe du regard la musique produite par l'ensemble. Comme une mise en abîme du public regardant et écoutant.
Naufrage
D'Adamo, avec une grande ferveur, choisit ce dernier extrait du livre où sont citées les paroles de Maître Eckhart : « Il y a des gens qui vont sur la mer avec un petit vent et traversent la mer : ainsi font-ils mais ils ne la traversent pas. La mer n'est pas une surface. Elle est de haut en bas l'abîme. Si tu veux traverser la mer, naufrage. »
— Laurianne Corneille