Les dangers du bricolage
Garante à sa manière de la diversité culturelle, l’autoproduction a aussi ses limites. Notamment en termes de qualité sonore.
La philosophie Do It Yourself 1 peut prendre tout son sens dans la démarche d’un artiste autoproducteur faisant le choix de l’indépendance. Elle insuffle une certaine fraîcheur dans l’industrie musicale, en diversifiant les moyens de production. Une forme de démocratisation culturelle ?
Elle a aussi malheureusement ses écueils. Où l’on confond Do It Yourself avec Do It Alone.
Mirage technologique
Tant que certains autoproducteurs continueront de penser que l’on peut faire un album de qualité avec trois micros dans un garage, en se passant de l’expertise d’un ingénieur du son et d’un directeur artistique, la qualité moyenne des productions DIY restera très en deçà de celles des majors, n’en déplaise aux pirates, qui tentent de nous persuader du contraire sur de nombreux forums.
« Croit-on sérieusement qu’un musicien dévoué à son œuvre mais inexpérimenté en matière de production technique, de lancement public, de contacts avec la critique et avec les amateurs de musique, puisse se passer de producteur ? s’interrogeait Laurent Joffrin dans Le Nouvel Observateur. L’autoproduction de musique sur le Net, panacée parfois mise en avant, n’est-elle pas un simple mirage, ou encore une pratique sympathique mais nécessairement marginale ? » 2
Pas de fric pour les majors !
Selon les partisans de l’autoproduction, les avancées technologiques permettent désormais d’enregistrer et de mixer à la maison avec une excellente qualité sonore. Certains brocardent les majors, accusées de mépriser ce système « parce que l’autoproduction leur porte préjudice et qu’ils ne peuvent pas se faire de fric » 3…
Comment en est-on arrivé là ? La démocratisation de la technologie audiovisuelle y est sans aucun doute pour beaucoup. Mais un gadget high tech n’a jamais remplacé une paire d’oreilles affûtées.
Quel financement !
Il est important de défendre une véritable exigence qualitative des enregistrements, faute de quoi les mélomanes - et pas seulement les audiophiles - vont rapidement déchanter. Ainsi, diffuser cette idée que la production d’un album coûte trois francs six sous, pour mieux taper sur les majors, c’est déplacer le débat comme l’ont justement rappelé les Rois de la Suède avec leur chanson « Ta liberté de voler ».
Les majors ne sont pas les fossoyeurs de la démocratisation culturelle, la question est plus complexe.
Vouloir défendre le « tout gratuit » au nom du communisme culturel, passe encore. En revanche, il est trop facile de se poser en défenseur vertueux de la culture pour tous, en ignorant complètement la question du financement de la création. C’est en nivelant le débat par le haut que la musique en sortira grandie.
— Hannelore Guittet
1 - Cf. DIY...Do It Yourself, Hannelore Guittet, NoMadMusic [paru la première fois en 2013]
2- L’Infantilisme des pirates du Net, Laurent Joffrin, Le Nouvel Observateur, 12 février 2012.
3- Leon Tomcrouse, artiste Anonymous, Ibid.