« Le Mali regorge de talents »

À l’occasion de son concert à Paris, le musicien malien Cheick Tidiane Seck évoque sa collaboration avec Damon Albarn et Hank Jones, son école, les jeunes talents de son pays…

Vous travaillez actuellement sur un projet de disque solo avec le label de Damon Albarn en préparation depuis trois  mois au Mali…

Notre première rencontre a eu lieu dans le désert, à Tombouctou. Manu Chao était également présent ; c'est Ali Farka Touré qui nous a présentés. Damon m’a sollicité car nous avions travaillé ensemble autour de différents projets comme Africa Express ou encore avec Flea ( Red Hot Chili Pepers) et Tony Allen, pour le projet Rocket Juice. Depuis, une réelle amitié s'est créée et Damon m'a tout naturellement proposé d'enregistrer un album sur son label. 

Quid de vos projets scéniques ?

Je suis actuellement en tournée avec Les Ambassadeurs du Mali depuis un an déjà. Nous donnerons quelques concerts en France et en Europe à partir de fin mai. Les musiciens sont de vieux compagnons de route, comme Salif Keita, Amadou, Idriss Soumaoro, Ousmane Kouyate, Sekou Diabate, Pachekou, Mobibo Kone (le plus vieux d'entre nous, alias Mobibo Toumba)… 

Le succès du film Timbuktu, avec la prestation remarquée de Fatoumata Diawara a remis en lumière le Mali et sa musique. Êtes-vous en contact avec la nouvelle scène malienne ? Quels en sont les talents prometteurs ?

Je n'ai pas encore vu le film mais notre pays regorge de jeunes et grands talents : Fatoumata Diawara - notamment issue de mon école -, Rokia Koné ( la nouvelle Amy Winehouse), Mohamed Diabi Debademba, Boué Koité (le neveu de Habib Koité), Cheick Sikimane Sissokho (très belle voix) ou encore cette perle, la soul griotte Kankou Kouyaté et le plus connu transe groover, Dabara. Je n'oublie pas Doussou Bagayogo (elle vit en France) - un vrai talent -,  Bibi S, Djami, Naba Traore… Parallèlement, la scène hip hop évolue, avec Mylmo (qui remplit les stades au Mali), Mobjack, Iba One, Master Soumy, Tal B et Penzy également. 

Sarala, ce projet désormais mythique avec le jazzman Hank Jones, date de vingt ans déjà ! Comment était né ce projet, et quel regard portez-vous sur cette collaboration, avec  le recul ? Le métissage du jazz et de la culture mandingue a-t-il ouvert une autre visibilité à la musique malienne ?

Le projet a débuté d'une manière étrange car Hank Jones se croyait Dogon d'origine. Pour la petite histoire, il a été officiellement baptisé par les Dogons : son nom est Ama Ogodolo. Hank Jones souhaitait faire un album de rencontre avec l'Afrique ; ce projet lui tenait à cœur.  Il a fait appel à Jean-Philippe Allard (aujourd'hui patron d'Universal Edition). Jean-Philippe m'a demandé de recruter des musiciens traditionnels. Finalement, j'ai croisé Hank un soir dans un hôtel ; il y avait un piano ; il m'a demandé de jouer ; c'était, je me souviens, une composition aux tendances mandingues, main gauche sur le rythme et main droite sur des sonorités de kora. Hank m'a laissé entendre ce soir-là qu'il avait trouvé son maître ; je n'ai fait que suivre le mien. Nous avons travaillé un an sur cet album, parfois à des milliers de kilomètres de distance, parlant des heures au téléphone. J'en garde des souvenirs très marquants.

Quelques mots sur le concert du 9 mars au Pan Piper ? Allez-vous jouer essentiellement des morceaux de votre dernier album ? Qui vous accompagnera sur scène ?

J'aurais beaucoup aimé jouer tous les morceaux du dernier album, mais je pense devoir combiner mes deux précédents : Sarala et Sabaly. Je serai accompagné par une très belle équipe : Linley Marthe à la basse, Conti Bilong à la batterie, Mamani Keita - une de mes élèves que l’on ne présente plus - et Hervé Samb à la guitare - avec qui je joue depuis les années 2000.

— Hannelore Guittet

1- le Mégaphone Tour est un dispositif d’aide à la tournée pour des artistes émergents. Malgré leur jeune expérience, ces artistes ont ainsi la possibilité de se produire sur des petites scènes, partout en France. Pour faire connaitre ce dispositif, le Mégaphone Tour organise de manière récurrente des soirées au Pan Piper. Au programme : un artiste avec une notoriété déjà bien établie et un jeune artiste participant à la tournée du Mégaphone.

Crédit photos :

A la Une ©Philippe Savoir

Encadré ©Florent de la Tullaye

Le 9 Mars 2015 par Hannelore Guittet

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