"La musique de chambre, c'est être ensemble"
J-1 pour les candidats du 12e Concours International de Musique de Chambre de Lyon, qui met pour la première fois à l'honneur cette année les duos violoncelle/piano. Rencontre avec Mylène Berg et Augustin Guénand, qui forment le duo Talmont, sur scène... et à la ville.
Quel est votre parcours ?
Mylène : Depuis mon enfance, mon parcours a toujours été dirigé vers la musique. En 2009, je suis rentrée au CNSMD de Lyon ; j’ai obtenu un master de piano en 2014 ; un master de musique de chambre à 4 mains pour piano en 2015 et je suis actuellement en master de pédagogie. Cela m’a donc semblé naturel et légitime de devenir professionnelle dans le milieu de la musique, étant donné que j'ai consacré toutes mes études dans ce domaine.
Augustin : Je suis également rentré en 2009 au CNSMD de Lyon. J'étais dans la même promo que Mylène, c'est comme cela que nous nous sommes rencontrés. J’ai obtenu un master de violoncelle et un master de musique de chambre. Tout comme Mylène, je suis actuellement en master de pédagogie. Cela m’a donc semblé logique de transmettre ma passion, et c'est pourquoi je donne des cours de musique depuis cinq ans.
Comment et pourquoi le duo s’est-il formé ?
Nous sommes de la même promotion et nous formons un duo dans la vie de tous les jours. En voyant le programme du CIMCL consacré au duo piano/violoncelle, nous nous sommes dit : « C’est pour nous ! ». Avoir l’opportunité de jouer ensemble nous a poussés à nous inscrire.
Comment qualifieriez-vous l’univers de la musique de chambre ?
Augustin : C’est une discipline où diplomatie et compromis doivent s’allier. N’ayant plus de hiérarchie, le caractère de soliste doit s’effacer pour se mettre au service des autres. Certains quatuors disent qu’ils deviennent un couple à quatre, tant ils sont confrontés à une proximité inévitable. C’est une belle expérience où la partie humaine nécessite tout autant de soin que de travailler les partitions.
En ce qui concerne Mylène et moi, nous ne prenons pas de pincettes pour expliquer ce que nous pensons. C’est un avantage et parfois une difficulté d’être en couple, mais nous le vivons bien. Nous avons surmonté cette étape qui n’était pas le plus gros de nos tracas car notre objectif était avant tout d’être ensemble.
Quelle est alors la recette d’un bon duo musical ?
La connivence est indispensable. Le travail est aussi la clef de la réussite. Sans oublier de prendre en considération l’aspect humain qui représente bien sûr un enjeu important.
Avez-vous des appréhensions vis-à-vis du concours ? L’œuvre de Karol Beffa vous fait-elle peur ?
Nous sommes un duo naissant, donc pas encore rompu à l’exercice du concours. Bien sûr, le stress nous envahit un peu plus chaque jour mais il faut apprendre à le canaliser.
Mylène : Concernant l’œuvre de Karol Beffa, je n’ai pas beaucoup d’appréhension. Ceci dit, il y avait une recherche sonore intéressante qui change du reste du répertoire.
Augustin : Pour entrer au CNSMD de Lyon en 2009, j’ai interprété le Rhapsodie de Karol Beffa. Dès lors, j’ai eu la possibilité d’explorer une petite partie de son univers, d’autant plus que j’ai assisté à certains de ses concerts et conférences au Collège de France qui ont fait beaucoup de bruit. Cela m’a aidé à travailler et connaître davantage ce personnage pour situer sa musique.
Si vous deviez résumer le programme de ce concours, comment le qualifieriez-vous ?
C’est un programme intelligent et varié. Il permet - à notre sens - de mettre en avant certains candidats comme d’en piéger d’autres car les œuvres ont été choisies avec précision, et peuvent mettre en avant la pluralité de nos techniques ou nos faiblesses. L'avantage de ce programme, c’est qu’il y a de nombreux « tubes ». Tous sont plaisants à jouer. Mais il y a aussi des raretés, comme la Sonate dramatique « Titus et Bérénice » de Rita Strohl, que nous avons sélectionnée car il n’y avait pas d’enregistrement existant. Ainsi, en nous appropriant une musique que nous n’avons jamais entendue, nous espérons montrer ce que nous savons faire.
Comment envisagez-vous l’interprétation d’une œuvre ? Doit-elle être fidèle au texte, originale, surprenante, voire provocatrice ? Qu’attend à votre avis le jury ?
Mylène : J’aime rester fidèle au texte de part mon éducation musicale qui était axée sur le respect des partitions. Bien entendu, j’apprécie de me lâcher durant mes heures perdues. Globalement, je pense qu’il ne faut pas se priver de prendre certaines libertés, de laisser agir notre spontanéité, sans forcément partir « faire la révolution ».
Augustin De mon point de vue, le respect du texte est un point de départ essentiel. Mais nous devrions toujours au final nous approprier le texte pour ne pas se cacher derrière la partition. Tous, nous comprenons les choses différemment : c’est donc là que réside l’unicité qui nous lie à la musique et à son interprétation.
Est-ce avec la maîtrise qu’un musicien peut se permettre de prendre des libertés ?
Augustin : La compréhension peut se faire sans l’instrument. D’abord, il faut réussir à se faire une idée essentiellement par l’écoute.
Mylène : C’est un point de vue sur lequel nous ne sommes pas d’accord Augustin et moi. J’ai plutôt une vision partisane, et je préfère maîtriser la pratique pour ensuite me permettre certaines libertés. Néanmoins, ce sont deux manières de penser intéressantes qui dans la finalité enrichissent la réflexion de notre travail.
Une phrase pour conclure cette interview ?
Exercer la musique de chambre, c’est un métier à part, qui nous donne la sensation de l’être.
— Maëva Da Justina
Crédit Photo : Vincent Noclin