L'exception canadienne
Au Canada, le nouveau gouvernement libéral de Justin Trudeau a annoncé récemment qu’il doublerait le budget du Conseil des Arts du Canada. Cette mesure en apparence impressionnante en fait-t-elle un paradis culturel pour autant ? Pas si sûr...
On parle souvent de l’ « exception culturelle française », mais comment la situation se présente-t-elle ailleurs ?
Là où certains diront que le manque de moyens financiers favorise la créativité, ce qui est partiellement vrai (propos qu’on pourrait parfois associer à un discours de droite), nous pourrions également ajouter qu’il crée le manque tout court et impose parfois des choix déchirants.
C’est ce qu’illustrent à merveille les comédiens québécois du NoShow, en ce moment à l’affiche au Théâtre de La Villette à Paris jusqu’au 28 novembre. Avec beaucoup d’humour et d’intelligence, les acteurs et créateurs du collectif Nous sommes ici /Théâtre DuBunker mettent en lumière une réalité souvent peu connue du public, celui de la difficulté à financer un spectacle (et très souvent sa non-rentabilité) qui impose de durs choix, souvent au détriment de la qualité artistique. Ce manifeste politique et artistique dénonce avec audace et sans tabous la réalité des coulisses – sans avoir peur de parler d’argent - en nous interpelant directement. On comprend que sur le long terme la difficulté pour les artistes de persister - sans le soutien de l’intermittence, comme en France - est d’autant plus grande et méritoire.
Lueur d'espoir
Y aurait-t-il une lueur d’espoir à l’horizon grâce à cette nouvelle promesse politique de porter à terme le budget du Conseil des Arts du Canada à 360 millions de dollars ? Ce flot d’argent ne servira probablement qu’à combler le vide laissé par dix années de sécheresse conservatrice en la matière.
De manière insidieuse, le gouvernement de Stephen Harper avait procédé à des coupes qui ont fait très mal aux artistes canadiens. Citons l’exemple de 2008, année où furent abolis PromArt et Routes commerciales, des programmes de soutien pour les tournées à l’étranger. Ce désengagement de l’état pour la culture a eu un effet délétère pour les artistes actifs dans le domaine des arts de la scène. En septembre dernier, le chorégraphe de renommée internationale Edouard Lock1 annonçait qu’il mettait définitivement la clé sous la porte de sa compagnie LaLaLa Human Step - qui a cumulé les succès un peu partout sur la planète, faisant rayonner la culture canadienne pendant trente ans – et ce, suite à une tournée déficitaire en 2011-2012.
S’il n’y a pas là un lien de cause à effet, on peut certainement y lire un désintérêt de la politique envers la chose culturelle. Pendant ce temps, Bombardier bénéficie d’un plan de sauvetage d’un milliard de dollars du gouvernement du Québec…
Deux poids, deux mesures ?
— Charles-Etienne Marchand
1 - Edouard Lock est notamment co-signataire de la nouvelle chorégraphie de Casse-Noisette présenté par l’Opéra de Paris en mars 2016.