D'Elle à Lui, histoires de couples
Rencontre avec Emeline Bayart, comédienne et chanteuse, pour nous parler de "D'Elle à Lui", son spectacle de chansons du début du XXe siècle qui cartonne en ce moment au Kibélé à Paris.
Comment s’est construit ce spectacle D’Elle à Lui ?
Lorsque je suis entrée au Conservatoire d'Art dramatique (CNSAD1), j'ai travaillé dans la classe de chant sur des chansons qui racontent des histoires et qui dataient du début du XXe siècle ; ça me passionnait. Alors j'ai cherché, fouillé dans des recueils de chansons, mais aussi à la Bibliothèque Nationale pour dégoter des perles. J'en ai trouvé quelques-unes et j'ai commencé à construire un récital.
La thématique du spectacle tourne beaucoup autour du vaudeville…
J’ai travaillé beaucoup de chansons, et à un moment donné je me suis dit qu’il fallait un thème à ce « Tour de chant ». Le vrai thème de ce récital c’est avant tout le couple, sous toutes ses formes. Il y a les histoires d’amour, la rencontre d’un instant, la rencontre qui dure, le libertinage, la dispute, le cocufiage… Je trouvais que c’était un thème qui pouvait regrouper plein «d’états».
Julie, de Maurice Vidalin, extrait du spectacle D'Elle à Lui
D’Elle à Lui est certes un « récital », mais c’est aussi et surtout du théâtre. Comment avez-vous travaillé la mise en scène ?
Pour ce qui est du jeu pur et de la mise en scène, j'ai travaillé seule en mettant en évidence le sens et l'essence des textes et en m'amusant avec les situations et les personnages. Ensuite, j'ai beaucoup travaillé avec Osvaldo Calo qui m'accompagne magnifiquement au piano et qui chante deux titres avec moi.
Le projet tourne depuis combien de temps ?
Cela fait une dizaine d’années (depuis ma sortie du Conservatoire) que je travaille personnellement sur le « parlé-chanté », ou plus largement sur des chansons qui racontent des histoires. C’est un puits sans fond pour moi, je ne m’en lasse pas. J’ai toujours besoin de revenir à ça, comme un peintre revient sur un tableau. Le spectacle existe, lui, en l’état depuis une petite année, avec ce thème, cet enchaînement précis de chansons. Il est arrivé à maturité pour moi aujourd’hui.
C’est un répertoire de cabaret très français qui connote très fortement une époque, tant par le verbe que musicalement…
C’est vrai, j’irai même encore plus loin en disant que c’est très parisien. Je trouve qu’il y a une poésie, un humour, une délicatesse, et à la fois une cruauté, une crudité, que je ne retrouve pas dans d’autres textes. Il y a un grand plaisir de la langue en effet, les mots sont bien choisis. Il y avait à cette époque-là de grands auteurs dont les thématiques sont finalement universelles. On se retrouve tous à un moment où un autre dans un des personnages du spectacle. Même si parfois le vocabulaire semble désuet, et encore que… J’ai été surprise de voir que certains spectateurs, qui ne connaissaient pas du tout cette époque, pensaient que nous avions nous-mêmes écrit les textes ! C’est bien la preuve que, finalement, ils ne sont pas poussiéreux !
En tant que comédienne, c’est un gros challenge de faire un spectacle vocal comme celui-là ?
Je suis assez décomplexée aujourd'hui, car même si je souhaite que ce soit très bien chanté, j'ai axé le travail sur le jeu. Je suis très exigeante sur la partie vocale, mais je tiens absolument à m'amuser avec ça. J'aime parfois m'amuser avec la ligne mélodique : je la chante et puis hop ! ça passe à autre chose, au parlé, puis le parlé redevient chanté ; ce qui m'intéresse particulièrement c'est de mettre en évidence la poésie, l'humour, la mélancolie de ces textes et la singularité des personnages. Et quand les spectateurs sortent et disent « Vous m'avez rendu heureux », on a très envie de rejouer et d'apporter de la joie à d'autres spectateurs.
— Hannelore Guittet
1 - Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique
Crédit photos :
A la Une : ©Vanessa Basté
Encadré : ©Céline Nieszawer