"Chercher l'entente, la respiration commune"
Troisième duo lyonnais, le pianiste Benjamin d'Anfray et la violoncelliste Lucie Arnal nous livrent les clés de leur préparation pour la 12e édition du Concours International de Musique de Chambre de Lyon.
Pour commencer, pourriez-vous me rappeler votre parcours ?
Benjamin : A l'âge de 6 ans, mes parents m’ont inscrit en piano dans un conservatoire à rayonnement régional. J’ai d’abord travaillé dans différents conservatoires près de Paris. J’ai étudié parallèlement le violoncelle jusqu’à l’âge de 16 ans environ. En 2009, je suis rentré au CNSM de Lyon.
Lucie : Ma mère est pianiste mais j’ai voulu commencer le violoncelle à 6 ans. Je suis rapidement rentrée au conservatoire et par la même occasion j’ai étudié le piano jusqu’à l’âge de 16 ans (comme Benjamin pour le violoncelle). J’ai été admise au CNSM en 2011.
L’idée du duo est-elle venue dans le cadre du CIMCL ou faisiez-vous déjà de la musique ensemble avant d’envisager le concours ?
Benjamin : Il y a un peu plus d’un an, on avait déjà commencé quelque chose tous les deux. Le concours nous a permis de concrétiser ce projet ainsi que de nous donner un but.
Lucie : On a eu la chance que le concours soit dédié au duo piano-violoncelle cette année. C’est donc venu assez naturellement. En plus de l’objectif, le CIMCL nous permet d’apprivoiser un répertoire que l'on trouve assez chouette et c’est aussi l’occasion de faire des rencontres.
Quelle est, d’après vous, la recette pour un bon duo ? Comment travaillez-vous ?
Benjamin : Bien s'entendre, évidemment, et ne pas avoir peur de se dire les choses. Je résumerai par les mots « franchise » et « honnêteté ».
Lucie : Oui, c’est vrai. C’est important de considérer que les remarques sont faites avant tout pour faire avancer le duo, et non pour attaquer l’autre. Je pense que c’est aussi un rapport de confiance avec l’autre. On doit se voir plusieurs fois par semaine tout en gérant notre vie à côté (un petit boulot, et surtout les épreuves de fin de cursus du CNSM) : c’est parfois une question d’organisation.
Avez-vous des appréhensions particulières vis-à-vis du concours ? Je pense à l’œuvre de Karol Beffa par exemple…
[rires]
Benjamin : Et bien… non, ce n’est pas vraiment cela qui nous fait peur… Disons que le concours en soi, c’est déjà une situation bien particulière qui n’est pas aisée à appréhender : ce n’est pas vraiment un concert, mais on se produit tout de même devant un public, avec le stress de la réussite en plus.
Lucie : Il y a aussi l’endurance. Le concours représente tout de même trois programmes ; un pour chaque tour : il faut gérer la concentration. La particularité de l’œuvre de Karol Beffa est qu’on ne peut se référer à aucune interprétation antérieure. C’est vrai que l'on apprécie écouter quelques interprétations pour commencer, dans le but de s’en défaire ensuite. Parfois, cela permet aussi de redonner des idées. En plus, la partition de Karol Beffa comporte peu d’indications. Mais cela fait de cette œuvre un enjeu intéressant. Et on a hâte de découvrir les différents choix interprétatifs présentés pendant le concours.
Comment envisagez-vous l’interprétation d’une œuvre ? Doit-elle être fidèle au texte original, surprenante, voire provocatrice ? Qu’attend à votre avis le jury ?
Lucie : On a des petites idées sur les attentes de certains jurys mais cela ne nous oriente pas pour autant vers une interprétation plutôt qu’une autre. On peut interpréter une œuvre différemment tout en étant apprécié par le jury. Je pense que c’est aussi un ressenti musical, une impression, plutôt que de simples attentes personnelles. Pour l’interprétation, il faut rester fidèle au texte tout en intégrant une personnalité. Quoi qu’il en soit, la lecture est subjective.
Benjamin : Finalement, la question de rester fidèle au texte est assez vague. Une partition, ce ne sont que des symboles sur du papier ; ils n’ont pas de sens a priori. Notre travail de musicien est de trouver les gestes que le compositeur a essayé de retranscrire d’après le moyen le moins imparfait élaboré jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire la partition. La musique écrite est une ligne et le geste instrumental lui permet de devenir une courbe. L’enjeu principal est de trouver ces bons gestes (ou au moins les plus honnêtes), et ainsi, inévitablement, on donne de soi-même.
Comment pourriez-vous qualifier le répertoire de cette année ?
Benjamin : Il est assez orienté sur le violoncelle, avec l’Arpeggione de Schubert par exemple. C’est une pièce qui demande un travail particulier pour le violoncelliste. Il y a une balance assez différente entre les deux instruments dans cette œuvre par rapport aux autres. Mais il faut vraiment fonctionner comme un duo : chercher l’entente, la respiration commune. Notre travail est d’essayer d’intriquer les notes, de créer un son à deux.
Lucie : C’est aussi un programme très français et presque toutes les pièces sont imposées. Je trouve que l’on a une part de choix plus restreinte que les années précédentes. Mais quoi qu’il en soit, on a très envie de le jouer, sans aucun doute. On ne peut pas dire qu’on est prêt ; on ne peut jamais vraiment le dire, mais on ressent un véritable plaisir de pouvoir participer à ce concours !
— Jeanne Roussin
Crédit Photo : Vincent Noclin