Bientôt historique... ?

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Votée le mardi 6 octobre dernier, la loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » suscite de grands espoirs. Mais, étroitement liée à la volonté des acteurs de la filière musicale, elle devra passer le cap des douze prochains mois avant de mériter le qualificatif d’« historique »…

Après les tensions suscitées par les lois Dadvsi et Hadopi et les espoirs issus des rapports Lescure, Pheline ou encore Hoog, le texte présenté par Fleur Pellerin était fortement attendu, notamment par l’industrie discographique, pour son volet concernant l’exploitation numérique de la musique.

Plateformes, sortie de crise ?

Convaincue que « le streaming a révolutionné l’accès aux œuvres, et tout particulièrement àla musique », la ministre avait confié en mai dernier une mission de médiation à Marc Schwartz (conseiller maître à la Cour des comptes) pour aboutir à un accord entre artistes-interprètes, producteurs et plateformes de diffusion. Ce tour de table visait principalement à réguler l’exploitation numérique de la musique enregistrée, afin de s’entendre sur un partage plus transparent et plus équitable des revenus issus du numérique et, par voie de conséquence, apaiser les relations entre les différents acteurs de la filière musicale. En effet, ces derniers mois, de nombreux artistes à la renommée mondiale (Taylor Swift, Jay-Z, Pharrell Williams) ont déploré publiquement les faibles revenus générés par l’écoute de leurs chansons via certaines plateformes de streaming tels Spotify ou Deezer.

Sept objectifs

Un accord, qualifié par Fleur Pellerin d’ « historique pour la filière musicale », a été signé le 2 octobre dernier par dix-huit organisations, à l’exception des sociétés civiles de gestion et de répartition des droits des artistes-interprètes (ADAMI et Spedidam), qui l’estiment peu satisfaisant au regard de leur revendications appelant à une gestion collective obligatoire. Cet accord s’articule autour de sept objectifs majeurs : soutenir le développement de l’offre musicale légale ; établir une plus grande transparence de l’économie de la filière musicale ; améliorer l’exposition de la musique et la diversité culturelle ; promouvoir de bonnes pratiques contractuelles entre les producteurs phonographiques et les plateformes ; garantir aux artistes une juste rémunération ; mobiliser les moyens disponibles pour faciliter la transition numérique ; assurer une mise en œuvre effective et durable du protocole d’accord.

Rémunération minimale

Afin de garantir aux artistes une juste rémunération, les producteurs se sont engagés à partager avec eux tous les revenus reçus des services de musique en ligne et à leur assurer une rémunération minimale, en contrepartie de l’exploitation numérique de leurs enregistrements. L’assiette de rémunération des artistes s’en trouve donc élargie (avances et minima garantis inclus). Cependant, les syndicats d’artistes et de producteurs devront déterminer ensemble toutes les conditions liées à la forme de cette garantie minimum dans les douze prochains mois à compter de la publication de la loi.

Garde-fous

À cela s’ajoutent des engagements moraux de la part des producteurs pour l’exécution des contrats d’artistes « dans le meilleur intérêt des parties et notamment celui des artistes-interprètes » (mentions obligatoires de l’ensemble des droits d’exploitation cédés selon quatre critères : étendue, destination, lieu et durée) et une limitation des abattements. Le contrat doit en outre prévoir expressément toute forme d’exploitation non prévisible à la signature du contrat ainsi qu’une rémunération correspondante.
Plusieurs garde-fous sont établis par l’accord et la loi, puisqu’un médiateur de la musique pourra être saisi de tout conflit portant sur l’interprétation ou l’exécution de tout accord professionnel conclu entre les producteurs de phonogrammes, les artistes et les plateformes de musique en ligne.
Enfin, la création d’un « observatoire de l’économie de la musique » est annoncée, dans un souci d’amélioration de la transparence économique de la filière musicale.

Webradios

La radio n’échappe pas à cette logique de partage et de transparence, et plus particulièrement les webradios, à qui est désormais étendue la rémunération équitable. Même si le marché est pour l’instant assez faible (quelques centaines de milliers d’euros), le développement de l’écoute en ligne et le meilleur accès aux catalogues de phonogrammes devraient in fine permettre aux producteurs et aux artistes-interprètes d’obtenir une meilleure rétribution.
À travers cette loi, Fleur Pellerin ambitionne de favoriser une plus grande diversité culturelle, notamment sur les radios, en réajustant la règle des quotas. Depuis 1996, les radios doivent diffuser 40 % de chansons francophones sur leurs antennes. Or dix titres concentrent parfois jusqu’à 75 % des diffusions mensuelles. À présent, ces dix titres ne devront pas excéder la moitié des diffusions de chansons francophones (50 % des 40 % en somme), afin de permettre l’émergence de nouveaux artistes sur la scène musicale.

Malgré quelques divisions, la filière musicale sort renforcée de ces discussions, aptes à jeter les bases d’un meilleur encadrement de l’exploitation numérique de la musique. Les douze prochains mois seront néanmoins déterminants pour la négociation des revenus minimum.

 

— Collectif cinq5

Le 27 Octobre 2015 par Collectif cinq5

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