Belle comme Bowie
Jusqu’au 31 mai, une superbe expo à la Philharmonie décline la richesse de l’œuvre façonnée par David Jones.
À l’écran, Bowie chante Starman dans un Top of the Pops de 1972. Devant la projection, un mannequin porte l’un de ses célèbres costumes de scène, celui du Ziggy Stardust Tour. La tenue est démultipliée par le jeu des miroirs qui l’entourent.
La scène, extraite de l’expo consacrée à Bowie, ne saurait mieux incarner l’ambiguïté identitaire du personnage et la scénographie inventive réalisée pour cet événement.
« Pris pour un intello »
Pour rendre hommage à cet artiste protéiforme, déterminé à « être une révolution à [lui] seul », les organisateurs n’ont pas lésiné sur les moyens. Plus de 75 000 objets et documents conservés et classés tout au long de sa vie, réunis aujourd’hui dans The David Bowie Archive, offrent une base précieuse pour l’exposition.
Son travail avec le créateur de mode Kansai Yamamoto est notamment mis en valeur par la présence de nombreux costumes de scène - superbes - et par le décryptage des éléments qui les composent (notamment toutes les références au théâtre japonais kabuki).
Car Bowie a emprunté à toutes les formes artistiques, reflet de débuts hésitants entre l’écriture, la peinture, la musique. Non sans autodérision, il livre des anecdotes amusantes sur ses balbutiements : désireux « d’être pris pour un intello dans le métro », livre en poche avec son titre bien en vue, le jeune londonien se retrouve à lire, apprécier et enfin devenir un fin connaisseur des auteurs de la Beat Generation. Son attirance pour les musiciens du Bebop, née d’une volonté de provocation, se transformera rapidement en fascination.
Découvreur
Ses ambitions résonnent avec les préoccupations de son temps : la suite de l’exposition nous emporte dans les débuts des années 70, époque de fascination pour le cosmos, la découverte et la conquête de l’espace, les rêves de progrès…
Toujours en quête de nouvelles sources d’inspiration, Bowie sait appréhender les courants « importants » de la vie artistique : théâtre, cinéma, mode, littérature, peinture. Il découvre souvent les grands créateurs avec une longueur d’avance ! Et n’hésite pas non plus à changer plusieurs fois de direction et de style lorsqu’émerge une nouvelle idée.
L’exposition traduit bien sa volonté de partage (il n’hésite pas à projeter des extraits de films ou des expos photos durant ses tournées !) et son souhait de s’inscrire tant dans la culture populaire que dans une certaine avant-garde (techniques du cut-up).
Studios
Au-delà de ses talents de musiciens et plus largement de showman, l’exposition révèle toutes les facettes d’un artiste protéiforme : peintre, comédien, imitateur, mime, danseur, auteur…
Elle permet également de découvrir le nouvel espace d’exposition de la Philharmonie de Paris. Le volume et l’aménagement réalisé à cette occasion sont agréables. On en oublierait presque le bruit des marteaux piqueurs des travaux en cours dans les étages supérieurs du bâtiment ! Plus au calme, une petite pièce insonorisée rappelle l’importance du travail en studio : lieu d’aboutissement et de création musicale qui a permis à ses vingt-sept albums de voir le jour. Parmi les lieux mythiques, on peut citer le château d’Hérouville dans le Val-d’Oise, où Pin Ups (1974) et Low (1976) ont été enregistrés. Hélas inactif depuis 1985, ce lieu est en ce moment même en train de se préparer une nouvelle vie… Éternel, comme Bowie ?
— Mathilde Genas
David Bowie is, du 3 mars au 31 mai 2015, Philarmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris. Informations et réservations : 01 44 84 44 84. Site : philharmoniedeparis.fr.