"Beaucoup de plaisir, et de la complicité !"
A quelques jours de l'ouverture du Concours International de Musique de Chambre de Lyon, la pianiste Justine Eckhaut et la violoncelliste Arabelle Audin, qui forment le duo Zene - "musique", en hongrois - partagent avec nous leur vision de la musique de chambre.
Quand et dans quelles conditions avez-vous décidé de devenir des professionnelles de la musique ?
Arabellle : J’ai commencé dans une petite école de musique et ensuite je suis rentrée dans un conservatoire à Paris. En entrant dans un cursus scolaire d’horaires aménagés, j’ai dû travailler autant le violoncelle que les cours, et c’est ce qui m’a incitée à devenir professionnelle, même si à ce moment-là j'ignorais ce que cela représentait. Aujourd’hui, je suis très contente d’avoir fait ce choix, même si je ne savais pas vraiment ce qu’était le monde de la musique qui est parfois incertain et compétitif.
Justine : C’est drôle, on n'en avait jamais parlé. J’ai l’impression que cela fait longtemps que je sais que je veux faire ce métier, mais il me semblait que je ne pouvais pas avoir le niveau. Un jour on fera sûrement d’autres choses. Mais pour ce qui est du présent, c’est seulement depuis peu que je me rends compte de notre parcours.
Comment et pourquoi le duo s’est-il formé ?
Justine : On s’est rencontrées en stage : on était dans la même chambre. Ensuite, nous nous sommes retrouvées à Lyon et nous avons joué ensemble dans un groupe assez disparate. Entre nous deux cela s’était bien passé, et c’est pour cette raison qu’on a voulu faire le concours.
Arabelle : On a tout d’abord essayé de faire un trio : on a recherché un violoniste mais... sans succès. Finalement, on a choisi ce concours qui est plutôt bien tombé. C’est un pari intéressant.
À votre avis, quelle est la recette d’un bon duo ?
Arabelle : Des œufs … [plaisantant]. Sérieusement, je pense qu’il faut déjà s’entendre humainement…
Vous avez l’air très complices !
Arabelle : Il y a des hauts et des bas. Mais c’est comme ça partout, non ?
Justine : Probablement parce qu’on est en concours.
Arabelle : Je pense qu’il faut déjà beaucoup de travail et de pression.
Justine : Il faut aussi beaucoup de plaisir et, oui, de la complicité !
Pour quelles raisons avez-vous décidé de participer à ce concours ? Depuis quand et pourquoi préparez-vous ce concours ? Que représente-t-il pour vous ?
Justine : C’est marrant : Arabelle avait déjà répondu à cette question, et sa réponse m’avait beaucoup plu. La raison, c’est l’attrait du genre : la sonate, c’est plus concret que ce que l’on prépare parfois.
Arabelle : C’est la musique que l’on va faire plus tard. Jouer en soliste avec orchestre, cela n’arrive qu’une fois sur mille. C’est aussi l’occasion de monter de très belles œuvres avec piano.
Justine : En voyant le programme, on s’est dit qu’il fallait qu’on le fasse ! C’était comme une évidence.
Quelles sont vos attentes avec le concours ?
Arabelle : C’est un concours qui ouvre des portes, c’est sûr, mais c’est surtout la phase avant le concours que je trouve la plus intéressante : tout ce qui concerne la préparation. On travaille dans les moindres détails ; j’ai l’impression d’avoir appris mille choses. Et puis, le jour J on essaie de faire du mieux que l’on peut.
Justine : Je suis assez d’accord : c’est le fait de se retrouver à travailler sur un répertoire énorme dans une période assez courte. J’ai hâte de nous voir en situation et aussi d’avoir des commentaires que j’espère constructifs. On est dans la perspective de se produire en concert.
Arabelle : C’est vrai aussi que pour préparer le concours nous nous sommes fixé des échéances en faisant des concerts. Et il nous en reste quelques-uns…
Avez-vous des appréhensions vis-à-vis du concours ? L’œuvre de Karol Beffa vous fait-elle peur ? Comment avez-vous travaillé cette œuvre contemporaine ?
Justine : Nous avons déjà été amenées à écouter, à nous plonger et à nous familiariser avec la musique de Beffa, et à son univers. Toutes deux avons été amenées à travailler quelques-unes de ses œuvres avec d’autres étudiants. Ce n’est donc pas vraiment de la peur.
Arabelle : C’est plus de l’intérêt, de la curiosité. En tout cas nous ne l’avons pas rencontré mais nous avons regardé ses indications. Notamment dans la préface, il parle d’autres œuvres de son répertoire dont il faut s’imprégner.
Avez-vous eu des difficultés avec certaines pièces du programme ?
Justine : Pour Beethoven, cela a vraiment été difficile. Pour Brahms, nous sommes toujours en recherche. Ce sont des œuvres que l’on travaillera toute notre vie.
Comment envisagez-vous l’interprétation d’une œuvre ? Quelle serait la touche Zene ?
Arabelle : Il faut déjà être fidèle au texte. Il faut donc bien comprendre ce qu’a voulu dire le compositeur. La liberté que l’on peut prendre provient du cadre que donne la partition.
Justine : Et ensuite peut-être provocateur. On a en commun la recherche et le questionnement.
— Constant Brancourt
Crédit Photo : Vincent Noclin