All by myself
Maintes fois moquée et critiquée, Florence Foster Jenkins (1868-1944) a poursuivi, envers et contre tous, sa vocation de chanteuse lyrique. " Lady Florence " met en scène le destin d'une femme dont la persévérance l'aura finalement fait passer à la postérité.
Lady Florence, pièce écrite par Alain Tronchot, s’inspire librement de la vie de la chanteuse autoproclamée, Florence Foster Jenkins. Née en 1868, son envie de devenir musicienne est contrariée par son père. Elle épouse alors un médecin qui ne semble pas plus l’encourager et dont elle finit par divorcer.
C’est à la mort de son père - et ce grâce à un héritage conséquent - qu’elle peut enfin s’adonner à sa passion sans tenir compte des remarques de son entourage et sans se soucier des critiques. Elle devient alors un phénomène, sans doute une attraction de foire pour un public « fasciné » par ce qui se révèle être une inaptitude totale au chant.
L’aboutissement de sa « carrière », par un concert au Carnegie Hall, est suivi de sa mort un mois après. Ce sont ses derniers jours mâtinés d’absurde - de sa chambre d’hôtel à la prestigieuse salle - qu’Alain Tronchot met en lumière et imagine avec humour et tendresse, incorporant avec finesse nombre d’éléments autobiographiques.
Trois actes constitués de trois scènes chacun, proposent une structure dans laquelle son ultime récital, décrit au second acte, a finalement peu d'importance. Comme si le spectacle était Florence Foster Jenkins elle-même bien plus que sa prestation scénique.
En effet, le personnage de Florence Foster Jenkins questionne sans vergogne la musique : « cette dictature de la justesse comble les médiocres, ficelés à leur partition » ; et explore totalement le besoin dévorant de l’exprimer coûte que coûte : « la bête a trop longtemps contenu ses galops ».
Son accompagnateur (dans le troisième acte) nous révèle le pourquoi d’un certain succès en l’expliquant par la « dimension comique » de son art « authentiquement risible ». Un art qui s’accorde selon lui merveilleusement avec l’emphase ridicule du propos opératique ; d’où le « génie » de Lady Florence.
Enfin, la pièce est l’occasion d’une jolie réflexion sur le féminisme qui trouve un écho dans l’évocation des suffragettes, soutenues par Lady Florence. C’est là toute la force de la pièce d’Alain Tronchot : mettre l’accent sur le côté frondeur et hors norme du personnage plutôt que sur son aspect ridicule ; éclairer d’un jour nouveau celle dont tous les musiciens rient depuis toujours.
Celle qui s'est échappée du joug de son père puis de celui de son mari, qui n’appartient finalement à personne, enfle par la suite démesurément (à travers l’idée de trouver une salle encore plus grande) jusqu’à sa mort pour prouver son existence.
Son époque a fait d’elle une sacrifiée, malgré l’émancipation féminine à laquelle elle assiste à la fin de sa vie. Mais il est trop tard pour elle, alors elle se dilate pour s’enfuir, tout simplement.
— Laurianne Corneille
Crédit Photo : Thierry Ehrmann CC BY 2.0