A malin, malin et demi
Jamais exploité par les compositeurs classiques, l’usage de la modulation au demi-ton est couramment répandu dans la pop. Efficace mais pas toujours très subtil…
Si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer : la modulation au demi-ton, grosse ficelle dénouée généralement vers la fin d’une chanson, personne n’avait osé, personne n’y avait pensé avant… Avant ?
Difficile de dater l’apparition de cette pirouette harmonique qui consiste à reprendre une phrase mélodique un brin plus aigu (un demi-ton donc), mais une chose est sûre : ce ne sont pas les compositeurs classiques qui l’ont mise au goût du jour. Ennemis de la séduction facile, ils éprouvent souvent une certaine réticence à s’abandonner à cet effet un peu cheap.
Risque d'indigestion
En pop, c’est une véritable institution. Incontournable dans un slow. Comme pour un ralenti au cinéma, ou du sucre dans une mousse au chocolat, la frontière entre l’effet addictif escompté et l’écœurement est mince. Tout est une question de dosage, de tempo ; la métaphore sexuelle n’est jamais très loin. Une modulation au demi-ton, ça peut être jouissif.
Quitte ou double, ça passe ou ça casse. Le stratagème n’est pas des plus subtils, mais il peut vous relancer une chanson pour deux ou trois refrains supplémentaires, repoussant le « fade out » d’une trentaine de secondes. Car qui dit « modulation au demi-ton », dit souvent « fade out » en fin de chanson. Tiens, c’est marrant, ça rime comme un bon vieil adage populaire…
«Demi-ton» rime souvent avec fade out en fin de chanson
Top 3
Alors, puisqu’il faut bien illustrer musicalement ce blabla de musicologue du dimanche, voici un podium parfaitement arbitraire et subjectif de chefs-d’œuvre du genre : 1er. Man in The Mirror, de Michael Jackson, King of Pop, et assurément champion toutes catégories de la modulation au demi-ton. Pour les fans, on retiendra aussi Heal The World (pour la variante, double modulation au ton supérieur) et We Are The World, absolument indispensables.
2e. On quitte la pop pour la soul, avec Sunny, de Marvin Gaye : triple modulation !
3e. Dans la même veine, charisme et voix hors du commun, Half the Man, de Jamiroquai
3e ex aequo. Et pour finir, un exemple plus décalé, bien de chez nous, Louxor, j’adore, de Philippe Katerine :
Ajoutons une mention spéciale attribuée à Stevie Wonder.
— Hannelore Guittet