Paroles à l'absent

Paroles à l'absent
Paroles à l'absent

Paroles à l'absent - Caplet, Chausson, Ravel et Boulanger

  1. Chant funèbre, Op.28 (1897) - Ernest Chausson 05:54 Pour choeur de femmes et piano
  2. Kyrie, Messe à trois voix (1919) - André Caplet 03:44 Pour choeur de femmes a cappella
  3. Inscriptions champêtres (1914) - André Caplet 08:04 Pour choeur de femmes a cappella
  4. D'un vieux jardin (1914) - Lili Boulanger 02:45 Trois pièces pour piano seul
  5. Gloria, Messe à trois voix (1919) - André Caplet 06:42 Pour choeur de femmes a cappella
  6. Chanson perpétuelle, Op.37 (1898) - Ernest Chausson 07:14 Pour soprano solo, piano et quatuor à cordes
  7. D'un jardin clair (1914) - Lili Boulanger 02:05 Trois pièces pour piano seul
  8. Sanctus , Messe à trois voix (1919) - André Caplet 03:27 Pour choeur de femmes a cappella
  9. Cortège (1914) - Lili Boulanger 01:32 Trois pièces pour piano seul
  10. Agnus dei, Messe à trois voix (1919) - André Caplet 02:19 Pour choeur de femmes a cappella
  11. Chant nuptial, Op.15 (1887) - Ernest Chausson 04:44 Pour choeur de femmes et piano
  12. Trois beaux oiseaux du Paradis (1915) - Maurice Ravel 03:00 Pour soprano solo, alto solo, choeur de femmes, piano et quatuor à cordes
  13. O salutaris , Messe à trois voix (1919) - André Caplet 02:43 Pour choeur de femmes a cappella
  14. Pie Jesu (1918) - Lili Boulanger 04:26 Pour soprano solo, quatuor à cordes et piano

Total timing    58:42

Paroles à l’absent

(d’après le cycle de poèmes de Jean-Frédéric Aubry (1882-1950) Paroles à l’absente, mis en musique par André Caplet en 1908.)

« Paroles à l’absent » rend hommage à la création musicale d’avant-guerre - si liée aux courants esthétiques, littéraires, chorégraphiques et picturaux de ses contemporains.

Encore empreinte d’une certaine insouciance, cette période voit se côtoyer de nombreux mouvements artistiques : l’art nouveau, le symbolisme, le fauvisme, ou encore l’expressionnisme.

À travers les yeux de femmes des années 1890 à 1920, ce programme se veut comme une sorte de voyage retraçant l‘esprit et les préoccupations d’une époque où tranquillité et douceur se mêlent, paradoxalement à la menace et à l’inquiétude. Les « Paroles à l’absent » sont ainsi des coups de pinceau, des cris du cœur, des photographies, des élans chorégraphiques, ou de douces prières, portés par des femmes…

De cette émulation nait une esthétique musicale basée sur l’exaltation de la nature et de ses couleurs, un imaginaire tantôt orientaliste ou tantôt antique, l’évocation d’un mysticisme et d’une certaine « religiosité », dans un esprit souvent joyeux, naïf, ou mélancolique.

Les œuvres choisies ici portent toutes un caractère éminemment féminin: écrites pour voix de femmes, donnant voix à la prière d’une femme esseulée, célébrant une nature prenant la forme de muses, composées par une femme, célébrant l’union ou rendant hommage à celle qui meurt…

Les paroles de l'absent

Odilon Redon - La dame aux fleurs — 1890-95

Tandis que se développent des compagnies de danse ou de théâtre de femmes, ces œuvres - qui coïncident avec les premières heures des « suffragettes » - annoncent par ailleurs une certaine libération du corps ; d'où bien sûr la symbolique très forte du choix d’un programme musical exécuté entièrement par des artistes féminines, chanteuses et instrumentistes.

Les voix, à la fois douces et charnelles, se fondent parfaitement dans le son feutré et intimiste du quatuor à cordes en boyaux (comme c’était le cas à l’époque), ainsi qu'à la légèreté et la clarté du toucher du piano Erard de 1897.


Dans ce contexte, la compositrice Lili Boulanger (1893-1918) - première femme à remporter le Grand prix de Rome en 1913 - était incontournable.

Son œuvre féconde - malgré sa disparition prématurée - nous laisse plusieurs bijoux dont ce Pie Jesu, intense et sobre prière emplie d’espoir, proposée ici dans une version inédite pour soprano solo, quatuor à cordes et piano. La force et l’engagement de cette pièce nous éloignent de beaucoup du célèbre Pie Jesu de son professeur Gabriel Fauré, la vocalité quasi-infantile demandée nous rappelant néanmoins l’influence du maître.

Ultime œuvre de la compositrice, celle-ci nous paraît inévitablement marquée par la douleur des années de guerre écoulées…
Quant aux pièces pour piano de 1914, elles nous donnent à entendre les multiples facettes de sa personnalité souriante aux accents de musique populaire (Cortège), debussyste (D’un jardin clair), ou post-romantique (D’un vieux jardin).

Cette diversité de langages m’amène à évoquer André Caplet (1875-1925), compositeur central de cet enregistrement. Ce fidèle ami de Claude Debussy (dont il orchestra de nombreuses pièces) fut également un brillant chef d’orchestre (à Boston puis à l’opéra de Paris). Il compose essentiellement à partir de 1914, et ce malgré sa volonté de s’engager lors de la déclaration de la guerre.

De cette période naissent ses œuvres vocales : Inscriptions champêtres (1914) et Messe à trois voix, dite des petits de Saint-Eustache-la-Forêt (1919). Au sujet de la création de la première œuvre en décembre 1917 au Théâtre du Vieux-Colombier (Comédie Française), Jane Bathori - l’organisatrice du concert - confie qu’il fallut nombre de répétitions pour préparer avec justesse cette œuvre si délicate : « On a fait trente-deux répétitions de cette œuvre difficile ; il y eut bien dix alertes, qui obligeaient les chanteuses à rentrer chez elles, quelquefois très loin, à pied par la voie souterraine du métro. »

Inscriptions champêtres est ici enregistrée dans sa version pour trois voix solistes et chœur de femmes, traitant des quatre saisons avec une candeur et une grâce caractéristiques de l’esprit raffiné de son auteur.

En 1919, lorsque André Caplet retourne vivre à Saint-Eustache-la-Forêt, la tranquillité de la campagne et le rythme de l’air marin - dont il est si imprégné depuis son enfance normande en bord de mer - l’inspirent à composer sa messe à voix égales, d’une grande pureté.

L’œuvre protéiforme de Caplet se définit par une liberté dans l’inspiration, et surtout un mysticisme propice à l’évasion et au dialogue avec les éléments naturels.

Les paroles de l'absent

Georges de Feure - Mélancolie - 1895

Malgré la légère différence de génération avec Ernest Chausson (1855 – 1899), nous avons souhaité ajouter au programme quelques-unes de ses œuvres peu connues dont l’esprit et les thèmes témoignent de sa parenté avec l’esthétique de ses successeurs. Il exalte ainsi le chant à l’aimée, d’abord avec joie dans Chant nuptial, puis avec tristesse dans Chant funèbre. Il s’agit là d’un premier enregistrement mondial de ces œuvres à la simplicité et l’élégance touchantes.

Avec Chanson perpétuelle, c’est un langage plus populaire et sensible que Chausson développe sous la plume du poète Charles Cros, qui inspira le courant surréaliste et jusqu'à Juliette Gréco dans sa chanson Berceuse

Ernest Chausson, tout comme André Caplet, s’était lié d’amitié avec Claude Debussy. Il meurt à l’âge de 44 ans - avant de connaître le XXème siècle et sa grande guerre -, laissant une œuvre très personnelle.

Aux côtés de ces auteurs encore aujourd’hui trop peu connus et trop peu joués, siège l’incontournable Maurice Ravel, génie des couleurs et du raffinement français. Son œuvre chorale se limite à trois chansons pour chœur mixte dont il existe aussi une version pour soprano solo et piano. Nous avons souhaité opérer une synthèse de ces deux versions qui réunit l’ensemble des acteurs de ce programme : instrumentistes, solistes et choristes. La poésie Trois beaux oiseaux du Paradis - écrite par Ravel lui-même - évoque l’annonce, faite à une femme, de la disparition de son ami à la guerre - par trois oiseaux aux couleurs bleu comme le ciel, blanc comme la neige et vermeil comme le sang... Là encore, les sonorités et le texte peignent une époque et soulignent l’attachement au populaire.

En transcrivant et arrangeant la pièce de Ravel, nous nous inscrivons dans un esprit de création, afin de participer à l’évolution naturelle et sensible de l’art musical vivant.

(…) Et j'ai senti mes mains vides et désolées
Tandis qu'auprès de moi
La mer pleurait comme ta voix
Le soir inoubliable où tu t'en es allée.

Ce sable fin et fuyant (extrait des Paroles à l’absente) – Jean-Frédéric Aubry (1882-1950)

Dans les coulisses de l'enregistrement

Les paroles de l'absent

Simon-Pierre Bestion, direction

Né en 1988, Simon-Pierre Bestion débute sa formation au CRR de Nantes, où il obtient un prix d’orgue dans la classe de Michel Bourcier (en 2008), ainsi qu’un prix de formation musicale. Il approfondit sa formation théorique en se perfectionnant dans les classes d’analyse et écriture du CRR d’Aubervilliers-La Courneuve (93), et se perfectionne au piano dans le répertoire de la mélodie et du lied auprès de Françoise Tillard.

Il s’initie en parallèle à la musique ancienne, auprès de Daniel Cuiller (stradivaria) puis se perfectionne en clavecin avec Laure Morabito et Frédéric Michel en basse continue au CRR de Boulogne-Billancourt (92).

Simon-Pierre a également participé à de nombreuses master class en compagnie de maîtres de l’orgue ou du clavecin comme Jan-Willem Jansen, Francis Jacob, Benjamin Alard, Martin Gester ou Aline Zylberach. Enfin, il est finaliste en 2006 du concours international d’orgue de Béthune.

Élargissant toujours plus le champ de ses activités, il s’intéresse de près à la direction de chœur, qu’il commence à étudier à Nantes avec Valérie Fayet (chœur de l’Orchestre des Pays de la Loire). Elle lui donne ce goût du travail de la voix, ce qui le pousse alors à compléter sa formation au CNSMD de Lyon, dans la classe de Nicole Corti (Chœur Britten), et obtient son diplôme en 2012. Il étudie par ailleurs le chant, dans les classes de Dominique Moaty et Françoise Biscara.

Sa passion pour le « son du choeur » l’amène également à travailler avec des chefs prestigieux comme Régine Théodoresco (Calliope), Roland Hayrabédian (Musicatreize), Geoffroy Jourdain (les Cris de Paris), Joël Suhubiette (les Eléments), Olivier Schneebeli (CMBV), Dominique Visse (ensemble Clément Janequin), Claire Levacher, Dieter Kurz, Timo Nuoranne...

De 2009 à 2011, Simon-Pierre est chef assistant et continuiste de l’ensemble Le Palais Royal (dir. Jean-Philippe Sarcos). Aujourd’hui, il collabore régulièrement avec l’ensemble les Cris de Paris (dir. Geoffroy Jourdain) et Insula Orchestra (dir. Laurence Equilbey), en tant que claveciniste ou organiste. Avec ces ensembles, il se produit dans des lieux importants tels que les festivals de la Chaise-Dieu, de Sablé-sur-Sarthe, d’Auvers-sur-Oise, L’Epau, aux Bouffes du Nord ou encore à la Cité de la Musique (Paris).

En 2007, Simon-Pierre créé l’ensemble Europa Barocca, puis en 2008 le chœur Luce del Canto. Avec ces deux ensembles professionnels, il parcourt près de dix siècles de musiques, s’arrêtant plus particulièrement sur le répertoire baroque et contemporain. La richesse de ces deux formations les rendant complémentaires, ils collaborent régulièrement : Vespro de la Beata Vergina de Monteverdi, Trauermusik de J.L. Bach - disponible en CD -, Magnificat de J.S. Bach…

Chœur Luce del Canto

La personnalité du chœur

En 2008, Simon-Pierre Bestion fonde, avec de jeunes chanteurs et amis, le chœur Luce del Canto, ensemble professionnel dont les membres sont animés d’une même motivation : faire vivre le répertoire pour chœur, du moyen-âge à aujourd’hui.

Une démarche « humaniste »

En cherchant la variété des timbres et des personnalités, Simon-Pierre Bestion place l'Homme au cœur de la musique. C’est dans cet esprit que le chœur s’est construit, au fil des années et des concerts, une identité claire fondée avant tout sur la recherche d’un son et d’un souffle commun. La « pâte sonore » qu’a su révéler son chef Simon-Pierre Bestion lui confère un son chaud, coloré, incarné. Que ce soit a cappella, avec orchestre ou accompagné de formations instrumentales réduites, c’est avant tout la voix du chœur qui compte : une voix finalement unique, qui utilise au mieux la diversité des timbres de ses chanteurs.

Un chœur en mouvement

Luce del Canto aime provoquer des rencontres, tisser des liens, mélanger les gens et les genres. Il s’est ainsi associé, pour plusieurs programmes de son répertoire, à des metteurs en scène, danseurs et comédiens, qui deviennent aujourd’hui des compagnons de route réguliers. Cherchant toujours à créer une atmosphère adaptée à chaque répertoire, Luce défend en effet une interprétation charnelle et organique de la musique, qui trouve sa place dans le mouvement – toujours subtil – qu’induit l’écriture de chaque compositeur. Le chœur mis en scène devient alors le metteur en scène de la musique qu’il interprète.

Un vaste répertoire

Luce aborde avec la même passion et la même exigence toutes les époques : le Moyen-Âge (Cantigas de Santa Maria, Pérotin…), la Renaissance (Brumel, Desprez, Machaut, de Rore…), le baroque italien (Gesualdo, Monteverdi, Rossi, Rigatti…), allemand (JS Bach, JL Bach…), ou anglais (Purcell), ou encore les Lieder romantiques (Schubert, Brahms, Wolf…). Il lui tient également à cœur de défendre la musique des grands compositeurs du XXe siècle (Boulanger, Caplet, Chausson, Fauré, Ravel, Stravinsky, Barber, Britten, Bernstein, Poulenc, Messiaen, Ohana) et celle de nos contemporains (Florentz, Villeneuve, Tavener, Pärt, Pécou, Hersant ou Dufour).

Le choeur Luce del Canto est soutenu par la Fondation Orange

Ensemble EUROPA BAROCCA

L’ensemble Europa Barocca est né en 2007, d’une rencontre entre de jeunes musiciens nantais partageant une même passion pour les musiques des XVIIe et XVIIIe siècles. Julie Dessaint – à la viole de gambe – et Simon-Pierre Bestion – à l’orgue, au clavecin, et à la direction – constituent le noyau de ce groupe dont les effectifs divers leur permettent de se produire en ensemble de chambre, tout autant que dans des projets réunissant jusqu’à soixante artistes.

Des formes multiples

C’est d’ailleurs une des premières caractéristiques de cet ensemble : il sait s’illustrer dans des répertoires intimistes tout autant que des projets de grande envergure, en partenariat avec d’autres structures artistiques. Cette diversité des formes et des rencontres lui permet ainsi d’être fidèle à ses volontés d’innovation et de création.

On retiendra à ce titre en 2010 la recréation de l’opéra bouffe Opera Seria de F.L. Gassman, en coproduction avec NEO (New European Opera) ; en 2011, les Vespro della beata Vergine de Monteverdi, en association avec le chœur Luce del Canto, la maîtrise de l’Institut Musical de Vendée, une danseuse et un récitant; en 2012, la recréation de l’oratorio Trauermusik de J-L Bach et en 2013-14 le programme réunissant le Magnificat et la Messe brève en sol mineur de J-S Bach et des œuvres d’Arvo Pärt, toujours en collaboration avec le chœur Luce del Canto.

La voix comme seule dominante

En soliste, en quatuor, en petit ou en grand chœur, la voix est toujours au centre de son travail. Une dominance qui s’illustre dans des programmes refusant de se cantonner à un seul répertoire, une seule époque ou un seul pays.

La problématique principale d’Europa Barocca reste en effet d’illustrer l’essence même de la musique qu’il interprète, en jouant sur instruments d’époque et en cherchant inlassablement à transmettre l’identité singulière de chaque compositeur. C’est ainsi qu’Europa Barocca s’autorise régulièrement des incursions dans les répertoires de la Renaissance, de l’époque classique ou contemporaine.

Les paroles de l'absent

Sopranos :

Camille Chagnon
Ellen Giacone soliste dans Agnus dei
Marie Picaut soliste dans Pie Jesu et Inscriptions champêtres
Evelyn Vergara

Mezzo-sopranos :

Alice Kamenezky
Armelle Marq soliste dans Trois beaux oiseaux du Paradis
Anne Perissé soliste dans Chanson perpétuelle
Marion Thomas soliste dans Inscriptions champêtres

Altos :

Cécile Banquey
Anne-Lou Bissières soliste dans Trois beaux oiseaux du Paradis
Mathilde Gatouillat soliste dans Inscriptions champêtres
Célia Stroom

Violons : Cyrielle Eberhardt, Sophie Iwamura

Alto : Lika Laloum

Violoncelle : Gulrim Choi

Piano : Aya Okuyama

Crédits

Production exécutive : Clothilde Chalot

Direction artistique & prise de son : Hannelore Guittet

Montage & mixage : Hannelore Guittet & Lucie Bourély

Photographies : Hubert Caldaguès

Enregistré à Boulogne en avril 2014

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